Dans ces années 1962 à 1972, les services vétérinaires éprouvent des difficultés à contrôler l'équarrissage du Bourny. Les voisins se plaignent des mauvaises odeurs, des mouches, ... Des contrôles sont faits, la plupart pendant la saison froide. On fait aussi remarqué que la carrière qui sert de dépôt d'ordures produit aussi de nombreuses fumées désagréables. Certains fermiers épandent aussi des liquides issus de l'équarrissage sur leurs champs. En 1972, il est envisagé de fermer les lieux si des améliorations ne sont pas apportées. On trouve à suivre un certain nombre de lettres racontant ces péripéties. Le nombre d'animaux traités dans les années 1958 à 1962 est noté à la fin de ce document.
7 août 1963 : lettre des vétérinaires Restout et Rousval, inspecteurs du clos d'équarrissage de la Biennerie au maire de Laval (Francis Le Basser)
« Monsieur le Maire,
Nous avons l'honneur de vous rendre compte des difficultés que nous rencontrons pour exercer normalement notre service d'inspection sanitaire du clos d'équarrissage. Depuis un certain laps de temps déjà, il n'est plus possible d'obtenir, lors de nos visites d'inspection, la présentation du registre des entrées des animaux morts, avec la cause de la mortalité, et le nom des propriétaires. De ce fait, nos inspections deviennent inopérantes. Le règlement prévoit que le registre d'équarrissage doit être signé lors de chaque visite de l'inspecteur, et il y aurait intérêt pour le bon fonctionnement de notre service ; à ce que ce registre soit à demeure et à jour, au clos d'équarrissage, entre les mains du contremaître responsable de l'usine.
Veuillez ... »
9 août 1963 : lettre du maire au directeur départemental des services vétérinaires
« J'ai l'honneur d'attirer votre bienveillante attention sur les difficultés que rencontrent nos vétérinaires inspecteurs chargés de vérifier l'atelier d'équarrissage Dreux.
Je crois que cette inspection est du ressort de la police municipale mais qu'elle est faite sous votre contrôle.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me donner votre avis.
Les vétérinaires se plaignent, en particulier, de ne pouvoir obtenir de communication du livre d'équarrissage qui cependant doit être tenu jour et nuit à leur disposition.
En d'autres termes, nous serions heureux qu'il vous soit possible de faire une enquête sur place et au besoin de prendre les décisions nécessaires.
... »
22 mai 1964 : Enquête sur les inconvénients causés par la présence de l'atelier d'équarrissage
« L'atelier d'équarrissage, situé au lieu dit « la Biennerie », présente des inconvénients certains – non seulement pour les proches voisins, mais aussi, pour les personnes occupant des habitations plus éloignées – celles, se trouvant en direction du Gué d'Orger et des Fourches, semblent, les plus incommodées, étant défavorisées par les vents ouest.
Cette gêne, provient d'une part, des odeurs écœurantes, que provoque l'établissement ; la fumée grasse, qui se dégage de ses cheminées d'autre part.
Selon des habitants du boulevard Frédéric Chaplet [dans le quartier des Fourches], certains jours, notamment à l'approche des pluies, les émanations se répandent jusqu'à leur quartier. Les occupants des H.L.M. des Fourches, particulièrement mal exposés, ne tarderont pas à en faire l'expérience. La distance qui les sépare de la Biennerie n'est en effet que 800 m environ.
En ce qui concerne les familles voisines de l'atelier d'équarrissage, soit : Mesnil, Boissonneau, Perrier, Martin, Janvrin, Fouilleul, village du Bourny, etc … situées, entre 150 et 500 m, elles seraient contraintes, à certains moments surtout à l'ouverture des vannes, de prendre leur repas, portes et fenêtres fermées.
Sans vouloir s'étendre, sur la question salubrité, qui est du ressort des services spéciaux, il semble, que toutes les règles d'hygiène, concernant le fonctionnement d'un tel établissement, ne sont pas respectées.
Le dépeçage des bêtes, par exemple, se fait dans la cour, à l'air libre.
On nous a signalé également, que le manque d'employés oblige souvent les cadavres d'animaux, à séjourner plusieurs jours dehors. Inutile de décrire les odeurs infectes, qui se dégagent, lorsque ces bêtes sont travaillées, par les équarrisseurs.
Inévitablement, ces miasmes, ont pour conséquence, de constituer de véritables essaims de grosses mouches vertes dites, mouches à viande. Ces insectes, se déplacent, nous l'avons constaté nous même, loin de l'équarrissage, on en trouve un peu partout autour des habitations.
En conclusion, l'on peut affirmer, que le seul désir des habitants de la région de la Biennerie, n'est pas de voir la modernisation de l'atelier, ce qui ne transformerait jamais complètement un établissement de ce genre ; mais, de le voir disparaître.
Ils souhaitent, que les autorités compétentes, décident au plus vite son éloignement, pour un lieu mieux approprié.
signé l'enquêteur »
22 juin 1964 : le directeur des services vétérinaires de la Mayenne au maire
« Vous avez bien voulu me consulter sur les inconvénients créés par l'atelier d'équarrissage exploité par madame Dreux, aux abords immédiats de l'agglomération lavalloise.
En vous retournant le rapport de l'inspecteur, que vous m'avez transmis, j'ai l'honneur de vous faire connaître que je me suis déplacé en inspection dans cet établissement. Je n'ai, lors de cette visite, remarqué rien d'anormal dans la tenue et le fonctionnement de l'atelier de madame Dreux.
Cependant, un équarrissage, du fait des produits traités, ne peut répandre dans son voisinage que de mauvaises odeurs et il semble très difficile de supprimer un tel établissement autorisé régulièrement depuis plusieurs décades. Nos prédécesseurs ne ne prévoyaient pas l’extension de la ville de Laval et notre situation devient très délicate.
Je dois encore vous signaler que le dépôt d'ordures ménagères situé plus près des habitations, dégage une fumée porteuse de mauvaises odeurs et ces odeurs sont très probablement responsables également des inconvénients causés aux habitations des quartiers ouest, et attribués uniquement à l'équarrissage.
Je vous propose néanmoins de faire plusieurs inspections de l'atelier d'équarrissage et de vous tenir informé du résultat de ces visites.
veuillez... signé : N. Roger »
10 mars 1966 : le maire de Laval au directeur des services vétérinaires
« Extrait :
on me dit que cet atelier d'équarrissage de madame Dreux répand dans tout le voisinage de mauvaises odeurs qui gênent même les habitants d'Avesnières.
Auriez-vous la complaisance de me dire s'il est exact que cet atelier ne soit pas réglementaire et nous dire les mesures qu'on peut envisager pour qu'il n'apporte aucune gêne aux lavallois... »
27 avril 1966 : lettre du directeur des services vétérinaires de la Mayenne au maire de Laval
« En réponse à votre lettre citée en référence [10 mars 1966] relative à l'équarrissage de la Biennerie, j'ai l'honneur de vous faire connaître que les visites effectuées dans cet atelier n'ont pas permis de relever d'odeurs susceptibles de gêner les citadins du voisinage.
Je pense que ces odeurs sont davantage susceptibles de se développer en saison chaude et l'équarrissage sera l'objet d'une surveillance accrue pendant cette période.
La situation administrative de cette entreprise, au regard de le législation des établissements classés, ne paraît pas critiquable.
veuillez … signé G. Brodard »
3 mai 1966 : mairie de Laval, services généraux à l'attention de M. Hardy
« Des gens se plaignent que dans le voisinage de l'équarrissage de la Biennerie, des cultivateurs épandent sur leur terre les eaux résiduelles de l'équarrissage, ce qui engendre des odeurs nauséabondes dans tout le quartier.
Pourriez-vous faire une petite enquête discrète à ce sujet et voir qu'elle est la nature exacte du liquide épandu...
signé : le secrétaire général adjoint »
12 avril 1972 : lettre du Préfet au maire de Laval (Robert Buron)
« … Lors de la récente réunion du Comité de district de Laval à laquelle j'assistais, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les doléances de nombreux habitants du secteur ouest de la ville qui se plaignent des odeurs nauséabondes provenant de l'équarrissage de la Biennerie.
j'avais alors prescrit une visite sur place et donné toutes instructions pour que l'affaire reçoive la suite réglementaire qu'elle comporte.
Or, il apparaît en effet que divers aménagements s'imposent pour faciliter le nettoyage, assurer la désinfection totale des locaux, éviter les odeurs et les émissions de vapeurs et de buées.
Dès sa prochaine séance de travail, le Conseil départemental d'hygiène sera donc saisi pour avis de cette question dans la perspective d'un arrêté de mise en demeure de cesser l'exploitation sauf à apporter les améliorations propres à remédier aux nuisances constatées.
Je ne manquerai pas ... »
21 avril 1972 : le maire de Laval (Robert Buron) au Préfet
« J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 12 avril concernant l'équarrissage de la Biennerie.
Je suis tout à fait d'accord pour que le Conseil départemental décide d'arrêter l'exploitation de cet équarrissage si les améliorations propres à remédier aux nuisances constatées ne sont pas réalisées. »
15 juin 1972 : lettre du directeur des services vétérinaires au secrétaire général de la mairie de Laval
« … A maintes reprises, l'attention de l'administration a été attirée sur les inconvénients causés par le fonctionnement de l'équarrissage de la Biennerie à Laval.
Afin qu'une solution puisse être trouvée à cette situation, qui ne peut que s'aggraver en raison de l'extension de la ville de Laval, je serais heureux que vous puissiez apporter vos éléments d'information sur cette affaire au cours d'une réunion à laquelle je vous convie d'assister, le mercredi 21 juin 1972 …»
De nombreux animaux sont traités dans cet équarrissage, en voici les données entre mars 1958 et décembre 1962.
De mars à décembre 1958 : 2752 animaux dont 676 bovins, 1435 veaux, 62 moutons, 83 porcs, 20 chèvres, 65 juments, 375 poulains, 39 chiens et 2 ânes.
En 1959, 2922 animaux dont 662 bovins, 1656 veaux, 60 moutons, 58 porcs, 13 chèvres 98 juments, 305 poulains, 62 chiens et i âne.
En 1960, 3556 bêtes dont 1211 bovins, 1674 veaux, 52 moutons, 162 porcs, 30 chèvres, 88 juments, 287 poulains, 51 chiens et i âne.
En 1961 sur 3537 bêtes, 725 bovins, 2022 veaux, 52 moutons, 306 porcs, 15 chèvres, 88 chevaux, 256 poulains, 71 chiens et 2 ânes.
En 1962, 4358 animaux dont 904 bovins, 2357 veaux, 61 moutons, 550 porcs, 29 chèvres, 48 chevaux, 294 poulains, 64 chiens et 1 âne.
La provenance de ces animaux n'est pas précisée, ni la cause de leur mort. Ce décompte permettait de calculer les taxes dues à la ville de Laval.
Source : Archives municipales de Laval 5 i 40