Voici une partie des la correspondance découverte aux Archives Départementales de la Mayenne concernant la demande des "sieurs Lailler et Charpentier" qui demandent l'autorisation d'établir sur le territoire de Grenoux une fabrique d'engrais animalisés et un atelier d'équarrissage.
24 mars 1859 (ancienne affaire)
"Le sieur Lailler a formé une demande .?. à obtenir l'autorisation de créer une fabrique d'engrais animalisés et un atelier d'équarrissage dans un terrain nommé le champ de la Lande situé sur le bord du chemin vicinal de Changé à Saint-Berthevin …"
Lettre du 1 er septembre 1859
"Nous, maire de Laval, certifions que l'avis et l'arrêté de M. le Préfet du 23 août dernier sur une demande des sieurs Lailler et Charpentier d'être autorisés à établir sur le territoire de Grenoux une fabrique d'engrais animalisés et un atelier d'équarrissage, ont été publiés et affichés suivant la loi. En foi de quoi nous avons signé.
A l'hôtel de ville de Laval, les jours, mois et an dits."
Requête adressée à Monsieur le Préfet du 18 septembre 1859
"Les soussignés, membres du conseil municipal et notables de la commune d'Ahuillé, instruits par la voie publique que les sieurs Lailler et Charpentier venaient d'établir un atelier d'équarrissage sur le bord du chemin vicinal de Laval à Ahuillé, près de la barrière de Rouessay, située commune de Grenoux, croient devoir vous soumettre les motifs pour lesquels ils s'opposent formellement au projet sus-énoncé.
Le premier est on ne peut plus désagréable, pour tous les habitants d'Ahuillé qui journellement fréquentent ce chemin pour se rendre à Laval; que d'ailleurs ce chemin, de temps immémorial, a toujours été la voie la plus directe et la plus courte pour les piétons, non seulement de la commune d'Ahuillé mais encore d'une partie de celle de Courbeveille. D'après le rapport de plusieurs voyageurs, il paraîtrait que cet établissement fonctionne depuis environ un mois sans autorisation préalable et qu'ils ont ressenti des odeurs insupportables, occasionné(e)s par la mort d'un cheval laissé trois ou quatre jours sur le terrain sans être équarri.
Le second pourrait encore devenir très dangereux puisque comme l'ont annoncé les journaux, plusieurs personnes sont déjà mortes à la suite des piqûres de mouches qui probablement avaient sucé le venin de quelques animaux morts de maladies contagieuses.
D'après ces motifs, les soussignés confiants dans la validité de leur demande, osent espérer que vous leur rendrez justice et que vous ne donnerez pas suite à la demande en autorisations des sieurs Lailler et Charpentier. ..."
Enquête administrative de commodo et incommodo (commune d'Avesnières) du 28 septembre 1859
"… se sont présentés à la mairie le 11 7bre 1859
1) Mathurin Lelièvre laboureur à la closerie de la Jaunaie
2) Louis Boutruche laboureur à la closerie du Gros Chêne
3) François Boutruche laboureur à la closerie de la Grande Lande
4) François Saget laboureur à la closerie de la Badrie
tous quatre demeurant en cette commune
lesquels nous ont déclaré formellement qu'ils s'opposaient à l'établissement d'une fabrique d'engrais animalisés et d'un atelier d'équarrissage sur la commune de Grenoux sur l'ancien chemin dit des pavés, attendus les mauvaises odeurs de cet établissement proche de la terre des quatre individus sus-nommés …
le 18 7bre 1859
s'est présenté à la mairie le sieur René Julien Frin laboureur demeurant à la closerie de la Prée en cette commune qui a déclaré s'opposer formellement à l'établissement ci-dessus projeté …
le 19 7bre 1859
s'est présenté à la mairie le sieur Guy Jarry laboureur demeurant à la closerie de la Petite Lande … a déclaré s'opposer formellement à l'établissement …
...
Le soussigné déclare que l'établissement projeté est l'objet de la répugnance générale des voisins, qu'il est situé sur le bord d'un chemin qui devra être réparé attendu qu'il est plus court que celui qui est le plus fréquenté, par les habitants des communes limitrophes, pour se rendre à Laval, en conséquence, son avis formel est que le dit établissement doit être interdit le plus tôt possible et défense faite aux entrepreneurs de continuer leur travail qui a déjà été cause de plaintes par son odeur infecte.
Clos et arrêté en mairie à Avesnières le 28 septembre 1859
Le maire d'Avesnières : Jacques Chamaret"
le 5 octobre 1859 Lettre du maire de Laval au Préfet
"L'enquête ouverte, en vertu de votre arrêté du 23 août dernier, sur la demande des sieurs Lailler et Charpentier, à l'effet d'établir une fabrique d'engrais animalisés et un atelier d'équarrissage sur le territoire de Grenoux, a eu lieu suivant les prescriptions de cet arrêté. Personne n'est comparu à cette enquête …
Le maire de Laval : Ambroise Blanchet (1857-1860)"
le 19 octobre 1859 Lettre du maire de Changé au Préfet
Le maire de la commune de Changé (Mayenne), certifie que la demande formée par les sieurs Lailler et Charpentier à l'effet d'obtenir l'autorisation d'établir une fabrique d'engrais animalisés sur le territoire de la commune de Grenoux, a été publiée en cette commune le dimanche 28 août dernier, et est restée affichée à la porte de la mairie pendant un mois, sans qu'aucune opposition ne nous soit parvenue.
L'établissement projeté par les dits Lailler et Charpentier nous paraît de nature à rendre service à l'agriculture dans ce pays, en conséquence nous sommes d'avis qu'il soit fait droit à la demande.
En mairie à Changé le 13 octobre 1869"
27 octobre 1859 : Lettre au conseil supérieur d'hygiène et de salubrité publique de l'arrondissement de Laval : Compte-rendu après l'enquête
"Messieurs,
Au commencement de l'année 1859, le sieur Lailler avait demandé à construire sur le territoire de la commune de Changé, une fabrique d'engrais animalisés et un chantier d'équarrissage. Renvoyée devant vous, cette demande avait été jugée favorablement avec conformité de votre avis, Monsieur le Préfet avait pris un arrêté d'autorisation. Ayant accompli toutes les formalités réglementaires, Lailler se trouva donc en droit de commencer son entreprise et il allait le faire lorsqu'une opposition tardive mais inquiétante est venue le traverser dans son projet. En prévision des embarras que cette opposition pouvait lui susciter, il a reculé. Mais n'abandonnant pas son idée, cet industriel s'est mis à la recherche d'un terrain plus propice et croyant l'avoir trouvé, il a adressé à Monsieur le préfet une nouvelle demande sur laquelle vous êtes aujourd'hui appelés à prononcer.
Je dois ajouter que, soit confiance en sa cause, soit désir de la .?., il s'est mis à l'ouvrir avant d'être autorisé et que dès à présent on peut voir fonctionner sa fabrique.
L'établissement dont il s'agit occupe un terrain d'une contenance d'environ douze ares largement pourvu d'eau et qui est situé à deux kilomètres de Laval dans la direction sud-ouest sur le bord de l'ancien chemin de Laval à Ahuillé, dit chemin des pavés, territoire de Grenoux.
A part la maison du propriétaire qui n'en est éloignée que de 100 mètres, les deux fermes les plus rapprochées sont à une distance l'une de 250 mètres, l'autre de 400 mètres.
Il se compose d'un hangar fermé de tous côtés ayant 16 mètres de longueur sur 5 de largeur et d'un appentis présentant les mêmes dimensions dans le sens longitudinal, mais n'offrant transversalement que trois mètres.
L'appentis sert à déposer un mélange de chaux et de substances goudronneuses, produit d'épuration du gaz à éclairage, qui sont destinés à désinfecter les chairs équarries.
Le hangar contient :
1) l'abattoir qui est constitué par des pièces de bois formant un grillage, au-dessous duquel existe une fosse qui reçoit le sang et les autres liquides;
2) une chaudière où les cadavres préalablement dépouillés de leurs parties charnues sont soumis à une cuisson assez peu longue pour décharner les os;
3) des bassines où l'on fait fondre la graisse
4) un tas d'engrais composé de couches alternatives de chair et du mélange désinfectant.
Voici messieurs, la description aussi succincte, et aussi exacte que possible de l'établissement sur la création duquel vous devez donner votre avis.
L'enquête qui a été ouverte à ce sujet, a soulevé une opposition écrasante pour le moment et avec laquelle il vous faut nécessairement composer. Monsieur le maire et sept habitants de la commune d'Avesnières, Monsieur le maire et dix habitants de Saint-Berthevin, Monsieur le maire et quarante-cinq habitants d'Ahuillé enfin dix habitants de la commune de Grenoux, protestent de la manière la plus absolue contre le projet à examiner. Messieurs les maires de Laval et de Grenoux tout en ne paraissant voir qu'à contre-courant l'établissement industriel du demandeur, se bornent à exprimer le vœu que l'autorisation à des conditions assez rigoureuses pour atténuer autant que possible les inconvénients qui en peuvent résulter. Monsieur le maire de Changé approuve sans réserve. Tel est le bilan de l'enquête relative à ce clos d'équarrissage.
Les reproches que les opposants adressent à l'établissement sont :
1) les mauvaises odeurs,
2) la crainte d'accidents causés par l'épouvante des animaux qui sont obligés de passer dans le chemin,
3) le danger des piqûres de mouches venant de sucer des chairs putréfiées ou imprégnées de virus contagieux.
Ils sont les motifs d'opposition que notre commission a dû examiner avant de formuler son opinion.
A cette fin, elle s'est rendue sur les lieux et là, elle a pu reconnaître qu'on avait exagéré l'intensité de l'odeur qui n'est sentie qu'à une petite distance. Il est vrai que la visite a eu lieu à la fin d'octobre, à une époque où les matières animales se décomposent lentement, que le chantier était encore en début et qu'alors, son degré réel de puanteur était difficile à apprécier; mais considérant son éloignement suffisant des habitations, elle persiste à croire, qu'en tout état de choses, les émanations putrides qui pourront s'en dégager ne sauraient devenir une cause sérieuse d'incommodations pour le voisinage.
Sur le rapport des accidents que pourront occasionner les animaux effrayés; si cette crainte est fondée, on doit se demander comment les tueries et les tanneries établies dans l'enceinte de notre ville et souvent sur le bord de nos rues, ne vont pas fréquemment causer de malheur semblable et puis dans le cas qui nous occupe, est-il possible d'avoir à redouter des accidents de ce genre : la fabrique est construite sur le bord d'un chemin c'est vrai, mais d'un chemin qui est impraticable, auquel plusieurs routes suppléent et qui conséquemment se trouve presque abandonné.
Pour vous édifier à cet égard, permettez aux rapporteurs de votre commission de vous faire connaître la réponse que lui a faite le fermier de Libergère. Ne trouvant pas son nom sur la liste des opposants, quoique proche voisin, je crus devoir aller lui demander la cause de son abstention. Je me garderai bien me valoir de faire empêchement à cet établissement. Il est entouré pour la plupart de mes champs, mais j'y aborde aujourd'hui très difficilement et Lailler sera bien forcé de réparer le chemin pour l'exploitation de son industrie. J'ai donc tout avantage à le voir réussir dans sa demande car je compte pour peu de choses les mauvaises odeurs, les nez comme les miens ne sont pas si délicats. Et après la réponse naïve de ce paysan, ne peut-on pas dire, [ mots illisibles ].
Quand au danger des piqûres d'insectes ailés pouvant inoculer un virus dangereux, notre commission est convaincue que la fondation d'un établissement spécial est le meilleur moyen de préserver ces sortes d'accidents. En effet, là où une surveillance efficace peut être exercée, les débris d'animaux sont promptement mis en cuves ou couverts en produits inoffensifs et la certitude du profit dont on en retirera y fera transporter les animaux morts qui autrement pourraient être abandonnés sur terre et répandre au loin l'odeur infecte de leur décomposition. Par contre, l'équarrissage est aujourd'hui pratiqué par la plupart des tanneurs, le travail s'exécute au sein de notre ville, les débris qui en proviennent sont en partie enfouis et perdus, en partie mis en tas se pourrissent à l'air libre en laissant ainsi s'exhaler les miasmes les plus putrides. A ce point de vue, notre ville ne peut que gagner à voir .?. cette industrie sur un point suffisamment isolé.
Ainsi l'établissement pour lequel l'autorisation est sollicitée est un lieu toujours prêt à recevoir tous les animaux domestiques morts naturellement ou par accident; il ne perd rien, son intérêt est d'utiliser toutes les parties de l'animal, il est désinfecté avec le mélange de chaux et de goudron que lui fournit l'usine à gaz, il rend service à cette entreprise en lui achetant un résidu d'épuration qui auparavant était pour elle une cause d'embarras, et puis il est un véritable bienfait pour l'agriculture en mettant à la disposition le plus précieux des engrais, celui qui provient des débris organiques dont la richesse en principes azotés assure le mieux la nourriture des plantes. Enfin le respect qui est dû aux intérêts de la propriété, ne doit pas faire oublier les intérêts d'une industrie qui n'est pas prohibée, dont l'exercice doit être toléré quelque part et pour laquelle il serait assez difficile de trouver un emplacement plus convenable que celui qui a été choisi par le demandeur.
Telles sont, messieurs, les …
Laval le 27 octobre 1859"
23 janvier 1862 Lettre du préfet au maire de Grenoux Autorisation
"Monsieur le maire,
Je vous adresse ci-joint deux expéditions de mon arrêté du 23 .?. courant, par lequel j'ai autorisé les sieurs Lailler et Charpentier, demeurant à la Croix-Rouge, dans notre commune, à établir sur un terrain appartenant au sieur Renou, le long de l'ancien chemin d'Ahuillé à Laval, territoire de Grenoux, une fabrique de noir engrais animalisé avec clos d'équarrissage.
Je vous prie de remettre aux impétrants celle de ces copies qui est transcrite sur timbre et de déposer l'autre aux archives de la mairie."
7 août 1863 Lettre de Pierre Gerbault à Charles Toutain maire de Laval. Lettre transmise au commissaire de police par Charles Toutain pour enquête
"J'ose vous prier d'avoir l'obligeance de voir Monsieur le Préfet pour l'usine d'équarrissage qui est située au bout de l'allée de Rouessé, commune de Grenoux près de la route de Craon ...
Je puis vous assurer qu'il n'est pas possible de tolérer un pareil établissement, s'il n'est nullement dans les conditions réglementaires des établissements insalubres. La commission hygiénique qui a favorisé la demande des sieurs Lailler et cie n'a pas pu le faire sans leur imposer l'obligation de se conformer aux règlements fixés par la loi.
On fait réduire en plein air puisqu'il n'y a ni bâtiments ni cheminée, comme le prescrit la loi; du reste ils n'ont pas le moyen de faire aucun sacrifice pour leur établissement. Celui de Mr Foulon de St Hilaire lui a coûté 25 à 30 mille francs, il est cru moins dans des conditions à ne laisser échapper aucune odeur fétide, mais celui-ci en laisse aller réellement d'insupportables; il n'est pas possible de rester quelques minutes près de l'établissement sans être forcé de rendre ce que l'on a pu prendre dans la journée. D'après toutes ces choses vous devez penser, Monsieur le Maire, que les personnes qui ont des pièces de terre voisines, ne peuvent pas faire la moisson dans le temps de chaleur.
Cette société, du reste, n'est pas bien recommandable, elle s'est fait chasser de Rennes et de plusieurs autres lieux.
Veuillez donc , Monsieur le Maire, par votre autorité ou par celle de Monsieur le Préfet, faire transport de police sur les lieux afin de vérifier la réalité des faits que j'avance et vous serez convaincu de l'importance de cette petite affaire dans ce moment-ci.
Votre tout dévoué serviteur."
Dans le coin en haut à gauche mot du maire :
"Urgent
Transmis à monsieur le Commissaire de police pour nous adresser un rapport avec son avis.
Laval hôtel de ville le 8 août 1863 le maire Ch Toutain"
13 août 1863 Nouvelle plainte
"Monsieur le préfet
Ayant appris que plusieurs réclamations vous étaient faites concernant l'usine d'équarrissage touchant Rouessay ayant une propriété tout prêt de cette usine je viens me joindre à cette nouvelle demande pour en obtenir l'abolition car il s'en exhale une odeur infecte et qu'il est impossible de supporter.
Je compte sur votre indulgence pour prendre ma demande en considération.
J'ai l'honneur d'être Monsieur le Préfet votre très humble serviteur."
17 août 1863 Lettre au commissaire de police (nouvelle enquête)
"… Des plaintes m'ont été faites sur la tenue de l'établissement d'équarrissage de monsieur Lailler, situé sur le territoire de la commune de Laval. Les conditions prescrites par l'arrêté et l'autorisation ne seraient nullement observées. Vous voudrez bien, monsieur le Commissaire, vous transporter vous-même sur les lieux et après examen m'adresser un rapport détaillé sur les opérations de l'établissement qui ne seraient pas effectuées conformément aux prescriptions de mon arrêté d'autorisation ..."
Lettre non datée
"L'établissement d'équarrissage de monsieur Lallier a été autorisé par décret.
Par suite d'une pétition, le conseil d'hygiène s'est transporté sur les lieux et son rapport de 1862 conclu à ce que les plaignants sont mal fondés dans leur demande. Il s'agit ici d'un établissement insalubre de 1 ère classe de la compétence de monsieur le Préfet..."
Archives Départementales de la Mayenne : (ADM 5M129)