Le site archéologique de « La Gaufrie » à LAVAL
Dans l’emprise du projet de la zone d’activité au lieu-dit « La Gaufrie » à Laval existe un site archéologique déclaré au Service Régional d’Archéologique (SRA) des Pays de Loire à Nantes.
Le site est facile d'accès : à la sortie de Laval, dans un champ situé à droite sur la RN 171 en direction de Cossé-le-Vivien, entre le carrefour des landes et la ferme de la Gaufrie, face au lycée agricole.
Ce site a été détruit pour laisser la place à une zone d'activité, sans opération d'archéologie préventive.
"Sa découverte remonte au 15 mai 2003 par M. Michel Hubert et M. Guy Puaud; elle s’inscrit dans le cadre d’une longue campagne de prospection portant sur la métallurgie ancienne du procédé direct. Cette enquête a contribué à la réalisation d’une thèse de doctorat soutenue récemment par M. Florian Sarreste à Tours et intitulée « La sidérurgie ancienne dans le Bas Maine (VIIIe s. av. J.-C. – XVe s. ap. J.-C.) ».
Le site se présentait sous la forme d’une vaste étendue de déchets métallurgiques étalés sur une centaine de mètres par l’exploitant agricole (M. Maignan, Minger-Neuf à Courbeveille); selon ses dires, l’ensemble formait auparavant une butte de quelques mètres de hauteur, couverte de broussailles dans la parcelle restée en herbe. La butte a donc été arasée et son contenu dispersé lors de la mise en culture il y a une bonne dizaine d’années.
Le site était très visible au moment des travaux agricoles (labour) sous la forme d’une grande tache noire et rougeâtre, ainsi que sur les photos aériennes des sites Internet de Google (voir le diaporama). Il s’étendait aussi de l’autre côté de la haie voisine, mais le sol a été complètement décapé et nivelé par la Société Géodis qui occupait les lieux.
Les déchets observés en surface résultent du fonctionnement d’un atelier de réduction directe du minerai de fer, appelé « bas fourneau », et qui devait se trouver à proximité immédiate du tas détruit.
Ils comprennent :
- des résidus assez nombreux de minerai de fer, rejets ou minerais bruts avant préparation.
- des morceaux d’argile cuite provenant du ou des bas fourneaux (éléments de parois)
- les scories proprement dites, qui constituent l’essentiel des déchets.
Le minerai de fer local provient des formations superficielles du sidérolitiques elles-mêmes issues de l’altération du substrat géologique d’ère primaire sur lequel elles reposent. Il est présent à faible profondeur et en quantité réduite dans des poches d’argile sous la forme de boulets ou rognons. Le minéral dominant est la goethite (hydroxyde de fer), avec une présence plus ou moins importante de silice et un faible % de phosphore. La teneur en fer est généralement élevée (60 à 80% de fer).
Les scories sont issues du fonctionnement d’un bas fourneau possédant un système permettant leur évacuation à l’extérieur pendant la durée des opérations de réduction. Elles appartiennent à un type particulier que nous avons appelé « scorie coulée en plaquette ». Elles se présentent en effet sous la forme de fines plaques d’un à deux cm. d’épaisseur : l’une des deux faces est lisse (intérieur d’une cavité), tandis que l’autre est soit plissée (en contact avec l’air), soit granuleuse (en contact avec le terrain); cela implique un écoulement massif et très fluide de la scorie accompagné de la formation de grandes poches de gaz. On retrouve de façon récurrente ce faciès particulier dans les sites métallurgiques gallo-romains datés des deux premiers siècles après J.C. Les analyses effectuées par Florian Sarreste dans le cadre de sa thèse attestent que ce type de scorie est fortement sous-saturé en fer, ce qui implique un rendement plus élevé du processus de réduction et donc une amélioration technique.
Le mobilier recueilli simplement en surface au moment des labours est abondant : fragments de céramique commune gallo-romaine, de sigillée, tegulae et verrerie; ils confirment une datation du Haut Empire, 1er – 2ème siècle après JC., ils suggèrent aussi la présence probable d’un habitat proche.
Ce site fait partie d’une zone homogène de production comprenant une quinzaine de ferriers de même nature autour de Laval. Il a été déclaré au SRA des Pays de Loire sous le N° 53130-01 (La Gaufrie, Laval) en page 77 dans le rapport de prospection de Florian Sarreste intitulé « La métallurgie du fer en Mayenne avant le haut-fourneau » et daté de Décembre 2004. Ses coordonnés sont les suivantes :
- Carte IGN N° 1419 E ; Lambert X : 366430 ; Y : 2343865
- Cadastre ancien Avénière-Laval, 1808, feuille C3, parcelle 609
- Cadastre actuel, Laval, feuille 000 BW 01, parcelle 134"
Michel Hubert le 06 décembre 2008
Observations après le début du terrassement le 08 octobre 2009
"La partie décapée est donc située en avant du tas d'origine, côté route (les scories ayant été étalées par la suite de ce côté d'après le témoignage recueilli auprès de l'ancien exploitant). Cette position permet d'envisager ici la présence des fourneaux, et les photos semblent le confirmer. Dans les taches rougeâtres qui se dégagent sur le substrat mis à nu, on trouve en effet divers éléments très caractéristiques : une forte concentration de scories internes (avec charbons), de morceaux de parois scorifiées et de scories en baguettes (extrudées par les trous de ringards?).
Il y a aussi ce qui ressemble à des fosses à stockage d'argile (cercles blancs). On trouve quelques morceaux tégulae (dont un partiellement calciné), mais très peu de céramiques (elles sont concentrées dans une zone non décapée contre la haie). Une alignée de cailloux ordonnés traverse la zone décapée en direction du ferrier, cela suggère l'existence d'une voie empierrée (voie d'accès?), ou d'un canal de drainage.
Ces éléments concourent à situer la zone de travail à l'endroit décapé (de façon partielle), avec la zone de rejet des scories en amont et plus en amont, contre la haie, une petite zone de rejets domestiques (endroit où la céramique était le plus concentrée) ... et avec une possible voie d'accès en aval. C'est bien-sûr purement hypothétique, mais à défaut de fouilles, il est permis de spéculer un peu... et cela fait cruellement regretter leur absence.
Michel Hubert
Sources : Michel Hubert auteur de la découverte du site.
La thèse de Florian Sarreste à télécharger pour en savoir plus
à l'adresse suivante :
http://portail.scd.univ-tours.fr/search*frf/Z?SEARCH=sarreste