Si la logique avait été respectée, les pouvoirs publics, qui en 1969 créèrent la Zone d'Aménagement Concerté du Bourny, auraient du la baptiser d'un nom plus approprié, celui de Rouessé. En effet, à l'image d'autres quartiers lavallois (les Pommeraies, les Alignés…), le Bourny conserve encore en son sein les traces architecturales d'un imposant manoir, témoignage vivant d'un passé seigneurial très ancien…
En 1110, il est fait pour la première fois mention du nom de Geoffroy de Rouessé dans une charte du prieuré d'Avesnières. Vassal de la famille de Saint Berthevin, alors en lutte d'influence contre les Laval, le seigneur de Rouessé a sans doute reçu pour rôle de veiller à la sécurité du bourg d'Avesnières fondé quelques années auparavant par ses suzerains. C'est donc à proximité de cet établissement qu'il fait édifier une forteresse de bois et de terre appelée motte. Celle-ci va subsister longtemps sous sa forme primitive puisqu'on en retrouve la trace en 1442 dans un aveu donnant un descriptif détaillé de la propriété de Rouessé. Aujourd'hui, plus rien ne témoigne de la présence au Moyen-Age de cette fortification, à l'exception des douves qui entourent encore une résidence seigneuriale fortement remaniée au 18ème siècle.
En 1622, sous le règne de Louis XIII, Claude de Meaulne, nouveau propriétaire des lieux, décrit sa "maison seigneuriale, bâtie et élevée de plusieurs étages avec une petite cour, contre laquelle est levé mon pont-levis, le tout circuit de douves pleines d'eau, desquelles il y a un endroit plus large en forme de petit estang, un boys sur le bord de l'estang dans un bout duquel estoit anciennement ma fuye à colombes de laquelle il y a encore un reste de ruynes…". Quelques années plus tard, un nouvel aveu porte description des aménagements réalisés depuis : en 1648, on note en effet la présence de trois pavillons élevés à l'angle du logis et couronnés par de hauts toits d'ardoises appelés toits à la Française. Des fenêtres à bossage viennent compléter ces travaux de modernisation du manoir qui s'adapte ainsi, à l'identique de la maison de la Bazoche située place de la Trémoille en plein cœur de Laval, au goût architectural du XVIIème siècle.
Ces transformations soudaines sont l'expression de l'enrichissement des propriétaires qui, à l'époque, commencent à profiter des revenus de l'exploitation des carrières, d'où l'on extrait le calcaire et le marbre. Mais, là, débute une autre histoire…
Extrait de "Mémoires d'un quartier : le Bourny avant le Bourny"